DOSSIER
Aquarama 81 – septembre 2018
NextGen, sur la voie d’une Europe circulaire
C’est en juillet qu’a démarré le projet européen à grand échelle NextGen. Celui-ci veut étudier ce qui est nécessaire pour la percée à grand échelle de technologies liées à l’eau qui ont le potentiel de déployer véritablement l’économie circulaire. À cet effet, les partenaires du projet démontrent à différents endroits en Europe des solutions innovantes, technologiques, commerciales et de gouvernance.
Jos Frijns est chef d’équipe resilience management & governance auprès du KWR Watercycle Research Institute. « NextGen est un projet dans le cadre du programme européen Horizon 2020 », commence-t-il par dire. « L’appel était celui-ci : l’eau dans l’économie circulaire. Nous recevons de l’Europe une aide de 10 000 000 d’euros, c’est donc un grand projet qui a commencé le 1er juillet pour une durée de 4 ans. KWR est le coordinateur du projet. » Le projet compte 30 partenaires : compagnies d’eau, industries, PM spécialisées, instituts de recherche appliquée, plateformes de technologie et autorités urbaines et régionales.
Trop petite échelle
« En soi, le secteur de l’eau s’occupe idéalement de toute une série de techniques en relation avec le caractère circulaire », poursuit Frijns. « Celles-ci permettent par exemple le remploi de l’eau, la récupération d’énergie et la récupération de résidus. Techniquement, nous savons très bien comment cela doit se passer, mais jusqu’ici, le caractère circulaire a eu lieu sur une assez petite échelle. Le défi que NextGen a relevé est surtout celui-ci : se faire une idée des conditions de l’application et de la mise à échelle réussies de ces technologies. Et : vérifier comment nous pouvons mieux associer les innovations pour l’eau avec d’autres secteurs de l’économie comme l’agriculture, l’industrie et le secteur de l’énergie. »
De la struvite au ‘sewer mining’
Frijns donne quelques exemples de technologies qui ont du potentiel dans une énergie circulaire, mais qui ne sont pas encore appliqués jusqu’ici à grande échelle. Prenons par exemple la récupération du phosphate des eaux usées, ce qui est notamment possible par le biais de la struvite. Le phosphate est utilisable dans l’agriculture par exemple. Frijns : « Mais il faut toutefois déposer la struvite. Un problème qui se heurte encore à des obstacles en matière de règlementation. Il n’y a pas non plus de bons modèles économiques pour que ceci soit une réussite. Un autre exemple consiste dans l’extraction de l’énergie des eaux usées avec le biogaz d’un RMB anaérobie. Dans le projet, nous vérifions notamment comment nous pouvons coupler cette énergie à la demande d’énergie et de chaleur des personnes dans l’environnement. Et pour le traitement de l’eau potable, nous pouvons récupérer des grains de calcaire qui ont été libérés par l’adoucissement de l’eau. Ceux-ci peuvent être utilisés par exemple pour la production de verre ou comme engrais calcaire. »
Il donne aussi l’exemple du « sewer mining », qui combine la gestion décentralisée de l’eau et la réutilisation de l’eau en tirant les eaux usées communes d’un égout et en les traitant sur place pour répondre à un besoin local d’eau potable.
« Nous considérons le site de l’IWVA de Torreele comme un leader technologique, et nous allons nous y rendre pour trouver l’inspiration. »
Activités legio
Le nombre d’activités que les partenaires du projet NextGen vont déployer est étendu. « Dans NextGen, des analyses du cycle de vie d’une technique sont par exemple possibles, afin de vérifier si celle-ci est véritablement durable. Le projet montrera également à quelle échelle cette technologie est déployée économiquement dans des conditions idéales et la meilleure façon de procéder s’agissant de répartir les valeurs et les risques. Nous allons vérifier des projets technologiques et exécuter des essais de stress. À un certain nombre d’endroits, nous travaillons à une participation des parties prenantes : par exemple, nous développons un ‘serious game’ qui fait réfléchir différentes parties prenantes sur la manière dont un changement peut être déployé, ceci pouvant contribuer à mettre toutes les parties sur un même plan. C’est-à-dire une carte routière de gouvernance ; la gouvernance concerne la coopération entre les diverses parties concernées. Nous allons également établir un marché en ligne qui, à la fin du projet, aide les personnes à trouver par exemple une matière première ou une énergie déterminée. Le but est qu’à la fin du projet, on aille plus loin que la création d’un marché en ligne. Les leçons que nous avons apprises, les outils que nous avons développés, seront disponibles pour chacun. Si bientôt quelqu’un en Belgique se demande : ma technologie fonctionne-t-elle bien en relation avec l’économie circulaire, a-t-elle des chances de réussir, nous pourrons alors utiliser les outils tirés de NextGen pour tester cela. »
Dix sites de démonstration
Dix sites de démonstration à grande échelle sont établis dans 8 pays. Deux d’entre eux se trouvent aux Pays-Bas, l’un à l’abbaye de Koningshoeven, qui brasse la trappiste La Trappe. À partir de l’automne 2018, un nouveau concept de récupération de l’eau avec une serre à plantes tropicales viendra s’y ajouter. Plusieurs partenaires du projet vont étudier comment la brasserie peut réutiliser l’eau et les nutriments. L’eau, par exemple, sera réutilisée comme eau de rinçage et de traitement pour la brasserie ou comme eau d’irrigation pour la pépinière. Peut-être sera-t-il possible de produire ainsi des protéines qui sont utiles pour le brassage de bières bios. Les partenaires du projet veulent vérifier ce qui est un bon projet et ce qui peut se passer en matière de législation pour promouvoir le potentiel circulaire de l’installation au lieu de l’entraver. L’autre site de démonstration est une zone de serres dans le Westland où les partenaires du projet chercheront le meilleur système d’eau et d’énergie circulaire possible. Ils fermeront ici le circuit de l’eau et réutiliseront l’eau de pluie, y compris le stockage sous-terrain.
Composante belge
Le projet n’a pas de partenaires de projet belges. À l’exception d’un seul, qui est plutôt de nature européenne que belge proprement dite : la plateforme d’eau européenne WssTP. Il s’agit d’une association internationale sans but lucratif de droit belge. WssTP a été mise sur pied par la Commision européenne en 2004 en tant qu’acteur central pour la recherche et le développement dans le secteur de l’eau. Et KWR lui-même, s’il est néerlandais, possède également un actionnaire en Belgique : De Watergroep. Frijns : « Les connaissances que nous acquerront dans ce projet, nous les partagerons avec nos partenaires. Il s’agit de compagnies d’eau néerlandaises et donc aussi De Watergroep. »
Il n’y a pas de site de démonstration non plus dans notre pays. Toutefois, NextGen cherchera son inspiration auprès de Torreele, le site de l’IWVA (compagnie intercommunale des eaux de Veurne-Ambacht). Depuis 2002, celle-ci utilise en partie les effluents de l’épuration d’eaux usées dans le voisinage. Ces effluents sont d’abord épurés par des techniques à membrane après quoi l’eau part pour les dunes de la zone d’extraction d’eau potable où elle s’infiltre. Après environ 55 jours, cette eau est repompée, avec une quantité supplémentaire d’eau souterraine. Viennent ensuite la ventilation et la filtration du sable. À partir de là, l’eau satisfait à la qualité d’eau potable. Frijns : « Nous les voyons comme un leader technologique, d’ailleurs Torreele est connu dans le monde entier comme un bon exemple de récupération de l’eau, mais cela reste néanmoins à petite échelle. L’objectif de NextGen est d’apprendre comment transformer une telle initiative en une action à grande échelle ; Torreele peut aussi en tirer un certain avantage. »
Par Koen Vandepopuliere




