NOUVELLES DU SECTEUR 10/04/2020

Pourquoi le covid-19 n’affecte-t-il pas notre eau potable

Par les temps de crise, il est essentiel que les lignes de vie les plus importantes restent ouvertes. L’énergie, l’alimentation et les lignes de communication en sont des exemples élémentaires. L’eau potable est également l’un de ces piliers importants. Pour chaque virus dans le passé – et aujourd’hui aussi – nous avons remarqué que les personnes sont méfiantes à l’égard de l’eau de ville et se jettent en masse sur l’accumulation d’eau en bouteille. Une tendance inutile, selon les experts. Dans cet article, vous apprendrez pourquoi ils sont si catégoriques à cet égard.

Le covid-19 est un nouveau virus sur lequel, cela va de soi, il n’y a encore que peu de recherche scientifique à ce jour. Toutefois, nous pouvons partir de l’hypothèse que la dissémination de ce virus ne peut pas avoir lieu par le biais de l’eau potable. La morphologie et la structure chimique du covid-19 sont notamment comparables à celles de virus antérieurs faisant partie du groupe corona, ce qu’il est convenu d’appeler la famille des Coronaviridae. Cette famille peut, à son tour, être subdivisée en quatre sous-groupes (α, β, γ et δ).

Jusqu’il y a peu, six virus corona (CoV) qui peuvent rendre les personnes malades avaient été identifiés : deux virus α (CoV-229E et CoV-NL63) et quatre virus β : CoV-OC43, CoV-KU1, SARS-CoV et MERS-CoV. Ces deux derniers étaient les plus connus du groupe, jusqu’à ce que le SARS-CoV-2, ou covid-19, fasse son apparition.

Transmission : pas par l’eau ?

De l’importante bibliographie scientifique qui a paru sur les autres virus corona, nous pouvons tirer, le cœur tranquille, que les CoV se transmettent très difficilement par l’eau. Cela contrairement aux virus d’autres groupes, comme le norovirus bien connu qui sévit parfois sur les navires de croisière.

Pour les infections par corona, la transmission s’effectue principalement par l’air (par la toux et l’éternuement) et par le contact humain (directement par les mains ou indirectement par le contact d’objets contaminés qui sont entrés en contact précédemment avec une source d’infection humaine). Cela ne signifie toutefois pas que le virus ne peut pas se trouver dans l’eau, mais les barrières de désinfection contemporaines appliquées par les sociétés de distribution d’eau assurent une élimination rapide et facile de ces types de virus. Ceci provient également du fait que le covid-19 est ce que l’on appelle un « virus enveloppé », dont l’extérieur est constitué d’une membrane fragile. La moindre exposition à la chaleur, aux oxydants comme le chlore ou l’hypochlorite, à un pH élevé ou bas et aux désinfectants fait que la membrane, et par suite, le virus présent disparaissent. Ceci est donc une bonne nouvelle, même si nous avions encore un certain nombre de questions pertinentes sur cette matière. Nous les avons soumises à plusieurs spécialistes : Marjolein Vanoppen (UGent), Marjoleine Weemaes (R&D Aquafin), la Société flamande de l’environnement (VMM), AquaFlanders, Paul Bielen (chef de service de laboratoire auprès de Pidpa) et KWR.

« Les sociétés de distribution d’eau potable satisfont à toutes les normes en vigueur concernant le traitement et la désinfection de l’eau, l’eau potable qu’elles distribuent est donc sûre. »

Marjoleine Weemaes, Aquafin

Faire des réserves ?

Le covid-19 est seulement apparu depuis la fin de l’année dernière. Dans quelle mesure pouvons-nous partir gratuitement de l’hypothèse que le covid-19 montrera le même comportement que les autres virus corona du groupe ?

Marjoleine Weemaes (Aquafin) : « Les recommandations des spécialistes du secteur de l’eau se basent en effet sur les connaissances acquises à propos d’autres virus corona (comme le SARS et ceux qui sont présents chez les animaux) et la recherche menée à ce propos, souvent avec ce que l’on appelle les virus succédanés.

Nous savons ainsi que le covid-19 n’est pas plus résistant que d’autres virus ou bactéries (pathogènes) que l’on trouve dans les eaux usées. Les traitements à étapes multiples conventionnels comme ceux qui sont utilisés chez nous dans le traitement des eaux usées et de l’eau potable sont efficaces pour désactiver ces pathogènes. »

Surveillance de la qualité de l’eau : un système par paliers

Quelles étapes sont utilisées dans un système d’eau potable robuste ?

Marjolein Vanoppen (UGent) : « Cela dépend de la source de l’eau (eau phréatique ou de surface) et de l’entreprise d’eau potable. Dans tous les cas, toute épuration d’eau a été conçue pour éliminer des virus qui sont bien plus tenaces que le coronavirus. Le mode de désinfection dépend de l’entreprise et de l’eau de source précise. Au minimum, une chloration, une désinfection aux ultraviolets ou une combinaison de ces deux méthodes est exécutée, mais on peut également ajouter de l’ozone. En Belgique, l’eau potable est généralement aussi chlorée avant d’être introduite dans le réseau de distribution, de manière à faire en sorte qu’elle reste désinfectée jusqu’à ce qu’elle sorte du robinet. De même, quelques-unes des étapes d’épuration avant la désinfection finale (charbon actif, filtration par le sable) sont en mesure d’éliminer une partie des virus. »

Coliphages somatiques en tant qu’indicateurs de virus

La Société flamande de l’environnement et AquaFlanders vont encore un peu plus loin : « Des mesures de virus ne faisaient pratiquement nulle part l’objet d’opérations de routine – même pas dans l’UE. Les mesures de virus sont très complexes et dans la directive sur l’eau potable et la législation flamande, les virus n’étaient pas repris non plus comme paramètre. Le suivi de la qualité bactériologique est toutefois fortement ancré dans la législation par les organismes indicateurs E-coli et les entérocoques. Lors de la révision de la directive, ceci a été pointé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé, ndlr.) comme une lacune éventuelle. Le paramètre « coliphages somatiques » a été alors repris comme indicateur de virus/validation du rendement d’épuration pour les virus. Ceux-ci sont plus faciles à mesurer et se comportent de manière similaire en cas d’épuration. »

« Nous voyons des possibilités dans l’utilisation du screening des eaux d’égout pour cartographier la dissémination du virus dans une population. Ceci donnerait une image plus complète de la circulation du virus qui aujourd’hui encore est tenue à jour sur la base de résultats d’essais. »

L’Institut de recherche sur l’eau néerlandais KWR

« La possibilité que les virus constituent un problème pour l’approvisionnement en eau potable est restreinte et donc demande moins d’attention sur le plan de la surveillance. Pour l’extraction d’eau phréatique, ce paramètre ne joue pratiquement pas étant donné que les virus survivent rarement dans l’eau et que l’eau phréatique pour la production d’eau potable est souvent extraite à une profondeur importante. »

« Pour l’eau de surface, il existe toutefois un risque, bien que celui-ci puisse être également estimé comme limité. En effet, il existe une grande différence entre la charge en eau d’égout ou en effluents des installations d’épuration des eaux usées et celle de l’eau de surface ; lors de l’implantation des installations d’épuration des eaux usées et des déversements, on a tenu (ou on tient) compte de l’extraction d’eau phréatique destinée à l’eau potable. Outre cela, sachez qu’en Flandre, nous prévoyons toujours une étape oxydante dans la production d’eau potable au moyen de chlore. Les virus sont peu résistants au chlore. Ceci parfois en combinaison avec l’ozone et les uv. De même, la filtration assure déjà une suppression. Spécifiquement pour le covid-19, ceci est encore confirmé par l’OMS dans un mailing récent. En ce qui concerne l’extraction de l’IWVA qui collecte directement les effluents d’installations d’épuration des eaux usées, il est important de souligner que la technique de l’ultrafiltration, combinée à l’osmose inverse, assure une barrière efficace. »

Qu’en est-il des eaux d’égout et des eaux usées ? La diarrhée semble être l’un des symptômes. Pour le SARS, les eaux d’égout apparaissaient comme l’une des sources de contamination.

Marjoleine Weemaes (Aquafin) : « Etant donné qu’il s’agit ici d’un virus qui se dissémine par une infection par gouttes, on peut partir de l’hypothèse que le risque de dissémination par le biais des eaux usées est aussi très réduit. Il en va autrement des pathogènes qui sont disséminés par l’itinéraire fécal-oral comme le norovirus ou l’hépatite. L’on sait que ceux-ci peuvent se disséminer par les déjections et/ou les eaux usées. C’est d’ailleurs aussi la raison d’être de l’égouttage et des installations d’épuration des eaux usées car ces virus y sont désactivés dans une mesure importante. Nos collaborateurs qui peuvent entrer en contact avec les eaux usées contaminées se protègent contre ces agents en prenant un certain nombre de mesures hygiéniques (lavage des mains, port de masques buccaux en cas de contact avec des aérosols, ...). Les directives de l’OMS indiquent que ces mesures sont suffisantes pour protéger également nos collaborateurs contre le covid-19. »

« Toute épuration d’eau a été conçue pour éliminer des virus qui sont bien plus tenaces que le coronavirus. »

Marjolein Vanoppen, UGent

Le KWR trouve le covid-19 dans les eaux usées

Des recherches de l’Institut néerlandais pour l’étude de l’eau (KWR) montrent, dans l’intervalle, qu’il existe des indications concernant la présence du covid-19 dans les eaux d’égout. « La concentration du virus observée dans les eaux d’égout apparaît faible », nous communique le KWR. « Le risque que des collaborateurs soient contaminés est donc très faible. Le virus n’a pas été observé dans les effluents.

Nous voyons toutefois des possibilités dans l’utilisation du screening des eaux d’égout pour cartographier la dissémination du virus dans une population. Ceci donnerait une image plus complète de la circulation du virus qui aujourd’hui encore est tenue à jour sur la base de résultats d’essais. Etant donné que dans les laboratoires des hôpitaux néerlandais, seuls les patients covid-19 présentant des symptômes graves sont testés, les chiffres rapportés ne représentent qu’une sous-estimation du nombre réel de patients covid-19 », indique l’institut.

Ceci est-il également vérifié dans notre pays ? Et est-il utile de constituer un tel système d’essais ?

Paul Bielen, chef de service de laboratoire auprès de Pidpa : « Il faut attendre si l’on réussira effectivement aux Pays-Bas à rendre leur méthodologie utilisable pour une utilisation géographique étendue. Si cela réussit, on pourrait désigner les sites géographiques avec de nombreuses contaminations et prendre ainsi des mesures adaptées. L’un des obstacles réside dans le volume d’essais nécessaire, car nous parlons de valeurs de virus très basses. Pour détecter ces traces, il faut donc analyser beaucoup d’eau et le faire à de nombreux endroits en même temps. En Belgique, à l’heure actuelle (le 27/03, ndlr), rien n’a encore été entrepris dans ce sens, même si je n’exclus pas que cette tâche pourrait suivre de la part des autorités. »

Comment la situation est-elle suivie ?

Marjoleine Weemaes (Aquafin) : « De nombreuses recherches sont effectuées dans des instituts internationaux renommés comme, par exemple, le KWR, notamment concernant la survie et la dissémination du virus dans différentes conditions (température, humidité de l’air, ...). Spécifiquement pour le cycle des eaux usées, celui-ci est suivi par des organismes de recherche du secteur de l’eau comme le WRF (Water Research Foundation, ndlr.) et l’IKT (Institute for Underground Infrastructure, ndlr.). Il s’agit de recherches spécialisées, notamment si l’on veut vérifier si le virus observé (ou des parties de celui-ci) est encore infectieux. »

Qu’en est-il des systèmes qui utilisent de l’eau grise pour l’eau potable ?

Marjoleine Weemaes (Aquafin) : « Les sociétés de distribution d’eau potable satisfont à toutes les normes en vigueur concernant le traitement et la désinfection de l’eau, l’eau potable qu’elles distribuent est donc sûre. De même, les systèmes individuels doivent répondre à des directives rigoureuses. Je n’ai moi-même aucune connaissance de systèmes individuels qui produisent de l’eau potable à partir d’eau grise, mais même dans ceux-ci et d’autres systèmes de remploi, un suivi et un contrôle de qualité sont très importants, non seulement pour le covid-19. »

Bilan

Les installations d’eau potable sont une source peu probable de dissémination pour le covid-19, le risque que ceci change encore est aussi très réduit. Nos installations sont déjà très bien protégées contre les virus grâce à un système de filtration par étapes qui peut aussi éliminer ces virus (et d’autres).

Par Sammy Soetaert

Photos Aquafin

www.ugent.be

www.aquafin.be

www.vmm.be

www.aquaflanders.be

www.pidpa.be

www.kwrwater.nl

Système de contrôle de l’eau potable

Un système de production robuste doit être assorti d’un système de contrôle judicieux. Du rapport annuel de la VMM, nous pouvons, en résumé, tirer les points importants suivants :

Les sociétés d’eau potable sont tenues de signaler toute anomalie aux autorités. Pour cela, elles font appel à des laboratoires accrédités qui sont spécialisés dans le domaine pour contrôler régulièrement les échantillons. Ces analyses ont lieu à toutes les étapes du processus de production, de l’eau phréatique et de l’eau de surface jusqu’à l’utilisateur final. L’analyse est aussi organisée par territoire de livraison dans lequel l’eau contrôlée est d’une qualité uniforme.

La fréquence avec laquelle le contrôle est effectué dépend du type d’activité dans le bâtiment. C’est pourquoi l’on travaille avec trois catégories. Dans la catégorie 1, il s’agit, par exemple, des hôpitaux, des écoles, des maisons de repos et des crèches et jardins d’enfants. Ceux-ci sont contrôlés périodiquement. La catégorie 2 concerne les bâtiments publics où de l’eau potable est mise à la disposition du public (l’on pense ici aux bibliothèques, aux services communaux, aux bâtiments de police, ...) et la catégorie 3 qui porte sur les personnes privées. Ces deux dernières catégories sont contrôlées par sondage.

Si le résultat d’une analyse ne répond pas d’une manière ou d’une autre à la norme, le producteur a une obligation de signalisation. Cinq catégories de signalisation ont été délimitées, assorties des mesures que le fournisseur d’eau doit entreprendre.


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