RESEARCH  
Aquarama 108 – juin 2025

La rue intelligente, un choix judicieux

La lutte contre la pénurie d’eau et la sécheresse nous impose, de toute évidence, de faire preuve d’une efficacité accrue quant à l’usage de l’eau, y compris dans l’environnement bâti. Si cette obligation nous contraint à relever maints défis, elle ne s’accompagne pas moins de nombre d’opportunités. Telle est la vision défendue par B-Rain connect, un réseau complémentaire réunissant divers acteurs, au nombre desquels plusieurs fabricants et sociétés de distribution d’eau. Une approche plus intégrée des projets à mener s’avère indispensable. L’avenir est aux solutions modulaires telles que celle déployée dans la « rue intelligente » de Wiekevorst.

Concept de « rue intelligente »

L’approche résidait dans l’élaboration d’un concept modulaire adaptable à n’importe quel projet. Non content de s’articuler autour d’une gestion collective des eaux pluviales, ce concept met aussi l’accent sur les équipements d’utilité publique et l’intégration de la végétation arboricole.

Le concept consiste en une succession de cuves en béton et en forme de U, constituées d’une zone tampon et d’une zone d’infiltration, afin de maximiser la rétention locale, la réutilisation ou l’infiltration des eaux de pluie qui tombent sur les toits et la voirie. Le concept est parfaitement conforme au règlement régional d’urbanisme relatif aux eaux pluviales (GSVH), lequel accorde une place prépondérante au principe de l’échelle de Lansink (prévention du ruissellement > réutilisation > infiltration).

Ce concept fait la distinction entre les eaux pluviales provenant des toits et de la voirie. Ainsi, les eaux de pluie provenant des toits pénètrent directement dans la zone tampon, dont le trop-plein donne sur une zone d’infiltration. En revanche, les eaux pluviales recueillies par la chaussée se déversent directement dans la zone d’infiltration. Les parois drainantes de la zone d’infiltration permettent à l’eau de s’infiltrer lentement dans le sous-sol. Les zones tampons des cuves communiquent entre elles et forment une « rue tampon » dans laquelle peuvent puiser des consommateurs d’eau locaux. Ce dispositif est pourvu d’un trop-plein vers le réseau d’égouts, mais l’on s’attend à ce qu’il ne soit presque jamais sollicité et partant, à ce que l’eau ne quitte pratiquement pas les lieux.

La rue tampon doit son « intelligence » à l’intégration d’un système de pompage affecté à la réutilisation des eaux de pluie, ainsi qu’à l’aménagement dans les cuves d’un espace surplombant la zone tampon et abritant divers équipements d’utilité publiques (conduites d’approvisionnement en eau, câbles de distribution d’électricité et de transmission de données). Ces câbles sont posés sur des chemins de câbles. La dépose des plaques de recouvrement supérieures s’effectue sans peine l’aide d’une excavatrice équipée d’un système à ventouses. C’en est fini de l’enchevêtrement de canalisations et de câbles enfouis, avec son cortège de désagréments (dégâts d’excavation, recherches laborieuses de câbles, éventrement de sentiers et pistes cyclables, etc.)

En raison des défis climatiques et démographiques, l’attention portée aux espaces verts dans un contexte urbain ne cesse de gagner en importance. C’est pourquoi les concepteurs ont opté pour l’intégration d’arbres en leur permettant de se développer de manière optimale. À cette fin, ils ont eu recours à des bunkers d’arbres. Chaque arbre dispose d’un espace de 15 m³ permettant un développement optimal de son système racinaire. Le concept privilégie structurellement la demande en eau et l’état de santé des arbres. Ainsi, pendant les périodes hivernales, l’intégration d’une écluse à sel en prévient l’afflux.

Dans la pratique

À Wiekevorst, la rue intelligente a vu sa première mise en oeuvre dans un nouveau lotissement composé de trente-trois maisons et d’un cabinet médical. La rue intelligente a été réalisée par B-Rain Connect et financée par le promoteur immobilier. Lors de la réception des travaux, la propriété et la gestion de l’infrastructure ont été transférées à la société locale de distribution d’eau et au gestionnaire du réseau d’égouts (Pidpa). La finalisation du concept est prévue fin juin 2025. Onze maisons sont d’ores et déjà habitées. Les trente-trois maisons seront occupées d’ici janvier 2026. Pidpa s’est également lancé dans une surveillance de la disponibilité, de la consommation et de la qualité des eaux de pluie.

Cette approche collective en dispense totalement les habitants. Les habitations ne sont plus équipées de cuves individuelles, mais elles sont raccordées au tampon collectif.

Tout est mis en œuvre pour que les toilettes, machines à laver et robinets extérieurs soient raccordés au réseau d’eau pluviale, et ce en conformité avec le règlement GSVH. Pidpa assure en la gestion complète, y compris la maintenance ainsi que l’approvisionnement en eau potable et en eau de pluie traitée. Dès lors, chaque habitation est équipée de deux compteurs d’eau. Les habitants satisfaits comprennent le fonctionnement du concept et le perçoivent en conséquence comme une bonne pratique.

Pour mettre à leur disposition une source d’eau alternative de qualité (inodore, incolore, exempte de particules en suspension), Pidpa pourvoit à un prétraitement collectif par le biais de préfiltres et d’un filtre au charbon actif. En cas d’insuffisance des eaux de pluie, l’approvisionnement en eau potable compense automatiquement. Le commerce de proximité SPAR qui jouxte le lotissement se distingue par sa toiture d’une grande superficie. Comme la consommation d’eau de ce magasin est limitée, les eaux de pluie sont dérivées vers les cuves tampons enfouies dans le lotissement. Ce dispositif permet d’augmenter la quantité d’eau de pluie réutilisable dans les habitations.

En outre, ce concept présente aussi l’avantage de pouvoir s’insinuer dans une zone plus large. Normalement, l’acheminement des eaux vers les zones d’infiltration s’effectue par le biais de conduites d’infiltration. La rue intelligente présente l’avantage de créer un cordon d’infiltration sur l’ensemble du site.

Que nous réserve l’avenir ?

Dans les années à venir, Pidpa va continuer à tirer les leçons du projet de Wiekevorst et de tout autre projet inédit de gestion collective des eaux de pluie ainsi que les enseignements de la coopération avec d’autres entreprises publiques qui souhaitent adopter le concept de rue intelligente. Ce faisant, Pidpa entend saisir au mieux le point de basculement à partir duquel une approche collective de l’utilisation des eaux de pluie comme source décentralisée devient économiquement viable par rapport au réseau central de distribution d’eau potable. Pidpa souhaite aussi en évaluer l’impact sur la distribution centrale. Une augmentation de la collecte et de la distribution décentralisées des eaux de pluie devrait avoir un impact sur les coûts d’exploitation d’un réseau de distribution d’eau potable. En outre, Pidpa devrait bénéficier d’informations supplémentaires quant aux attentes des utilisateurs finaux. Un utilisateur final est-il prêt à accepter un niveau de service moins élevé pour la distribution d’eau de pluie (p. ex., interventions uniquement pendant les heures ouvrables) que pour celle de l’eau potable (7 jours sur 7) ou comment gérer au mieux cette situation ?

Pidpa souhaite également acquérir une expérience accrue en matière de coopération avec d’autres entreprises d’utilité publique et de télécommunications. La rue intelligente de Wiekevorst a fait l’objet d’une convention entre Pidpa et les entreprises qui se sont chargées de la pose des équipements d’utilité publique dans les cuves. Il s’agit entre autres d’accords portant sur les délais d’intervention (exécution des travaux dans un délai imparti à compter de l’appel). C’est toutefois à Pidpa qu’incombe l’ouverture des cuves, leur vidange par pompage et leur préparation avant travaux.

En outre, le concept présente un potentiel appréciable non seulement dans le cadre de nouveaux projets résidentiels, mais aussi dans celui des sites d’activités industrielles, sans oublier les pistes cyclables. Il constitue une alternative intéressante dans ces lieux où l’espace affectable au tamponnage et à l’infiltration des eaux de pluie par le biais de structures ouvertes telles que des noues ou des bassins ouverts est restreint.

À l’heure actuelle, le projet de rue intelligente est essentiellement le fruit d’une collaboration entre B’Rain Connect (fournisseur du concept) et Pidpa. D’autres entreprises (du secteur de l’eau) font également montre d’un intérêt certain, tant en Flandre qu’à l’étranger. Aujourd’hui, plusieurs projets intègrent ce concept (piste cyclable, zone PME, quartier résidentiel équipé d’un réseau de chauffage collectif). Une chose est sûre, le potentiel considérable de ce concept lui permettra, à n’en point douter, d’évoluer vers une pratique exemplaire dans notre pays comme à l’étranger !

Personnes à contacter : Filip Spiessens, Pidpa et Philippe Segers, B-Rain Connect

Auteur : Veerle Depuydt du projet Waterwijzer.

https://www.buildwise.be/nl/onderzoek-innovatie/onderzoeksprojecten/waterwijzer/

Photos/illustrations : B-Rain Connect