RESEARCH
Aquarama 107 – mars 2025
Assainissement des cours d’eau par ozonation et traitement au charbon actif granulaire
Les stations d’épuration traitent principalement les eaux usées domestiques, avant d’en déverser les effluents dans les eaux de surface. Bien que la qualité des effluents se soit sensiblement améliorée ces dernières années, en particulier dans le domaine des nutriments, divers micropolluants organiques tels que les résidus de médicaments constituent un problème majeur. L’assainissement des cours d’eau en Flandre et aux Pays-Bas a vu la mise en place d’une coopération transfrontalière dans le cadre de laquelle l’ozonation et le traitement au charbon actif granulaire ont été testés à différentes échelles en aval des stations d’épuration.
Combinaisons intelligentes indispensables
Aux Pays-Bas comme en Flandre, moult recherches consacrées, ces dernières années, à l’élimination des MPO ont confirmé que l’ozonation était l’une des techniques les plus performantes. À cet égard, il convient de s’arrêter sur le dosage de l’ozone. Ainsi, à des concentrations élevées en ozone, on ne peut exclure la formation de sous-produits indésirables tels que le bromate, leur production s’accompagnant de surcroît d’un gaspillage d’énergie. Aux Pays-Bas, le bromate est considéré comme une substance très préoccupante. La conjugaison intelligente de l’ozonation avec une filtration au charbon actif (adsorption) permet d’atteindre un taux d’élimination élevé tout en contrant ces effets indésirables.
Dans le cadre de ce projet, les chercheurs se mettront en quête de la conjugaison optimale de l’ozonation avec un filtre au charbon actif granulaire pour obtenir un traitement efficace et rentable des effluents d’une station d’épuration. Non contents d’étudier l’efficacité du traitement, ils étudieront aussi l’impact de cette technique sur l’écotoxicité et les répercussions de ce post-traitement sur les coûts d’épuration ainsi que la consommation d’énergie et de matières premières.
Acquisition de connaissances par le biais d’études pilotes, en laboratoire et à grande échelle
Ce projet triennal verra la concrétisation de recherches à différentes échelles de grandeur. L’Université de Gand a lancé plusieurs études à l’échelle du laboratoire, mais en vue d’applications à grande échelle. Ainsi, des chercheurs se penchent sur l’élimination de « piégeurs d’ozone » tels que les nitrites lors d’une étape de prétraitement (filtration grossière) dans le but d’optimiser la consommation d’ozone. Parce qu’il contribue à l’élimination de sous-produits et micropolluants difficiles à dégrader, le post-traitement au charbon actif des effluents ozonisés constitue une solution globale efficace. Par ailleurs, l’UGent mène des recherches approfondies sur les conditions d’exploitation optimale de la combinaison ozone et charbon actif. En outre, des méthodes d’analyse avancées portant sur un large éventail de micropolluants organiques sont en cours d’élaboration. L’UGent se penche aussi sur l’aptitude des mesures de substitution en ligne, telles que la fluorescence et l’absorbance UV-VIS à améliorer l’efficacité de la surveillance et de la régulation des processus d’ozonation, laquelle pourrait se traduire par une réduction de 10 à 20% des coûts opérationnels.
L’Université d’Anvers mène principalement en laboratoire ses recherches consacrées à l’activité microbienne sur les granulés de charbon actif. Ainsi, certains chercheurs se penchent sur l’impact que pourrait avoir une stimulation de l’activité microbienne sur la prolongation potentielle de la durée de vie d’un filtre. Il faut généralement un certain temps pour que les micro-organismes se multiplient au point de contribuer à l’élimination des micropolluants. Des chercheurs de l’UAntwerpen étudient la contribution des bactéries à l’élimination des micropolluants et la capacité de l’ozonation à améliorer la dégradabilité (biologique) des micropolluants. Enfin, l’UAntwerpen étudie l’impact du processus de traitement sur l’écotoxicité par rapport aux eaux réceptrices.
Dans le cadre de ces recherches, les universités d’Anvers et de Gand mettent l’accent sur les installations pilotes et à grande échelle. Ainsi, les effluents d’une station d’épuration et les granulés extraits de filtres au CAG (station d’Aartselaar) sont déjà soumis à des essais. L’une des deux installations pilotes mises en place à la station d’épuration de Tilburg (Waterschap De Dommel) arrive au terme de la procédure d’attribution. Parallèlement, une deuxième installation pilote reposant sur la technologie Microforce++ de PureBlue sera mise en oeuvre. Cette dernière accueillera une combinaison innovante : ozonation, biofiltration et charbon actif. Dans les études de faisabilité, les résultats obtenus par cette combinaison sont excellents dans les domaines suivants : empreinte carbone, modularité et intégration de l’élimination des nutriments. Lorsque ces installations pilotes seront opérationnelles, elles seront également soumises à des essais.
Évaluation des technologies d’épuration par l’analyse du cycle de vie (ACV)
L’évaluation de technologies par le biais d’une ACV ne cesse de gagner en importance. À la HZ University of Applied Sciences, des chercheurs se penchent avec des étudiants sur l’ACV des technologies étudiées. Pour ce faire, ils ont recours au logiciel openLCA et à la base de données Ecoinvent 3.10.
Les chercheurs ont élaboré une approche comparable à la littérature aussi bien sur le plan des méthodes utilisées (ReCiPe, IPCC, EF) que sur celui des fournisseurs et sources d’informations requises. Les données disponibles ont permis d’appliquer cette approche à l’évaluation de l’installation à grande échelle d’Aquafin à Aartselaar. L’envergure de cette installation permet de comparer directement les résultats relatifs à l’empreinte carbone avec ceux publiés dans le cadre du programme IPMV du STOWA, le centre de connaissances des agences de l’eau aux Pays-Bas.
L’étape suivante consiste à effectuer des analyses de sensibilité portant sur des paramètres spécifiques, en se fondant sur l’expérience acquise avec les technologies employées en laboratoire et en installation pilote.
Modélisation avancée, fondement de l’accélération technologique
La directive européenne révisée relative au traitement des eaux urbaines résiduaires est en vigueur depuis le 1er janvier 2025. Cette directive soumet l’épuration des eaux urbaines résiduaires à des exigences plus rigoureuses. Toutes les stations d’épuration dont la charge est égale ou supérieure à 150.000 UI devront être équipées d’une unité d’épuration tertiaire (élimination des nutriments) d’ici 2039 et d’un traitement quaternaire (élimination des micropolluants) d’ici 2045 au plus tard. Par conséquent, les connaissances acquises dans le cadre du projet Interreg sont pertinentes et leur mise en pratique plus que probable.
Vu l’importance de la valorisation des connaissances, l’AM-Team (acteur du changement numérique) s’investit dans la numérisation et la modélisation avancée des installations d’épuration et de production dans le secteur de l’eau. Dans le cadre de ce projet, l’AM-Team développera des modèles d’ozonation conjuguée avec le charbon actif. L’extension du modèle prédictif AMOZONE portant sur l’élimination des micropolluants dans les processus d’oxydation inclura un module relatif au charbon actif et reposant sur des mesures in situ disponibles auprès d’Aquafin et de Waterschap De Dommel. Ce modèle affiné permettra de procéder à des essais d’optimisation irréalisables autrement. L’AM-Team veillera à la mise à disposition internationale du modèle complet afin d’accélérer le développement de ces processus de post-traitement. Les connaissances acquises dans le cadre de ce projet seront largement diffusées par le coordinateur du projet VITO Kennispunt Water avec le soutien de CAPTURE.
À propos de nous | Cours d’eau propres par O3G | Interreg Flandre-Pays-Bas
Par : Veerle Depuydt
Photos : Vlakwa