RESEARCH
Aquarama 107 – mars 2025
Par Matthias Vanheerentals
La Haute École de Gand dispose d’un Move-it-lab unique
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Le Move-it-lab est équipé d’un système d’aération active
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Le centre de recherche Health & Water Technology (HWT) de l’HOGENT dispose d’une unité mobile unique – le Move-it-lab – qui combine un système d’épuration des eaux et un laboratoire. L’unité permet d’analyser l’eau sur des sites industriels pour optimiser le traitement des eaux usées. Un module de communication permet de suivre le système à distance et, en cas de problème, de piloter les différents composants du réacteur.
Le Move-it-lab est la combinaison révolutionnaire d’une station d’épuration biologique mobile déployable sur site et d’un laboratoire permettant d’effectuer des analyses physico-chimiques d’échantillons d’eau et des analyses de boues au microscope associées à des méthodes d’identification moléculaire de pointe. « Le laboratoire nous permet d’analyser les eaux usées et les boues activées en détail sur le terrain de votre entreprise, et ainsi d’obtenir des données plus fiables et réalistes », explique Christine Van der heyden, chercheuse et enseignante à la Haute École de Gand (respectivement au centre de recherche HWT et au département Biosciences & Technologie industrielle). Le Move-it-lab, créé grâce à un financement du VLAIO, est le résultat d’un long processus de développement.
Une vision précise
Le Move-it-lab est plus efficace que les études réalisées avec des eaux usées artificielles lorsqu’il s’agit d’améliorer l’efficacité d’un traitement de l’eau ou d’économiser l’énergie. « Notre unité pilote nous permet de tester et affiner de façon très précise avant de faire les modifications à grande échelle », ajoute Van der heyden. « Le Move-it-lab est l’outil idéal pour améliorer l’efficacité des stations d’épuration, dans le but par exemple d’économiser l’énergie grâce à l’optimisation de l’aération, la partie la plus énergivore du traitement biologique de l’eau. Nous pouvons également traiter les dysfonctionnements, comme la prolifération de bactéries filamenteuses. Notre approche a déjà permis de faire des économies de 75 % sur l’aération d’une station, sans aucun ajustement structurel. »
Moins de déplacements
Le Move-it-lab n’a pas vocation à suivre le fonctionnement réel de la station d’épuration d’une entreprise. « Nous faisons des tests avec les eaux usées brutes réelles, dans le but par exemple d’économiser l’énergie ou d’améliorer l’efficacité du traitement », note Van der heyden. « Nous créons une dérivation des eaux usées pour les traiter d’une manière différente et voir l’effet sur la qualité de l’effluent ou la consommation d’énergie. » L’unité mobile constitue pour l’HOGENT une plus-value en termes de recherche, d’offre de services et, point non négligeable, d’enseignement. Une installation pilote capable de traiter des eaux usées réelles directement sur place répond à un besoin pressant. « Ce genre d’unité mobile fournit des résultats plus réalistes et fiables comparé aux études réalisées sur le campus avec de petits volumes d’eaux usées, ou de gros volumes d’eaux artificielles », ajoute Van der heyden. « L’unité mobile permet d’évaluer avec plus de précision l’impact des modifications proposées, par exemple en termes d’efficacité du traitement ou de consommation d’énergie. »
Des mesures plus précises
Le Move-it-lab élimine le transport d’échantillons entre l’entreprise et l’HOGENT. Il ouvre aussi des possibilités de collaboration avec d’autres unités de l’HOGENT, des centres de savoir et des entreprises. « Un des atouts du Move-it-lab est qu’il ne requiert pas de transport des échantillons d’eau », note Van der heyden. « Cela évite la perte de qualité des échantillons. L’analyse sur place permet de réagir plus rapidement en cas d’éventuels problèmes. Lorsqu’on souhaite travailler avec de gros volumes d’eau, comme il n’est pas possible d’amener l’eau au laboratoire, nous amenons le laboratoire à l’eau. C’est ainsi qu’a germé l’idée du Move-it-lab. » Le groupe de recherche envisage également la possibilité de déployer le module d’épuration mobile sur le lieu de catastrophes, comme dans le cas de l’accident ferroviaire à Wetteren. Le Move-it-lab pourrait en effet éliminer le polluant acrylonitrile directement dans la rivière.
Équipements
Le Move-it-lab est équipé pour suivre les processus d’épuration de l’eau. « Nous pouvons prélever des échantillons et les analyser sur place et nous avons également des capteurs qui émettent des signaux », explique Van der heyden. « Si un problème se produit au niveau de l’épuration, nous pouvons immédiatement faire des prélèvements. Le pilotage à distance est également possible. S’il y a par exemple un problème de bactéries filamenteuses, nous pouvons tester les meilleures solutions. » L’unité mobile est équipée d’un système d’aération active ou de boue activée. « Elle dispose d’un réacteur SBR », note Van der heyden. « Le système est entièrement modulaire. Nous pouvons toujours ajouter une cuve pour obtenir une circulation continue avec un processus d’épuration en régime permanent, ou encore des membranes ou un décanteur secondaire. »
Expériences passées
Les chercheurs de l’HOGENT avaient déjà par le passé travaillé avec des eaux usées industrielles et des boues activées. « Nous étions déjà équipés pour mener ce type de recherche », note Van der heyden. « Mais quand nous voulions travailler avec de gros volumes – par ex. un mètre cube –, nous étions obligés de simuler les eaux usées de l’entreprise. Pour cela, nous étudiions la composition chimique de l’eau (par ex. la quantité de carbone) et nous en préparions une version artificielle, que nous utilisions dans nos expériences. Les résultats obtenus avec cette eau simulée étaient alors indicatifs, l’impact réel étant fonction de la composition réelle des eaux usées à épurer. »
Peu d’entreprises testées jusqu’à présent
Le Move-it-lab existe depuis près d’un an, mais le monde de l’entreprise n’a pas encore frappé à la porte du centre de recherche. « Au début, de nombreuses entreprises étaient intéressées », raconte Van der heyden. « Mais elles voient le traitement de l’eau comme un mal nécessaire. Tant que l’effluent respecte les valeurs et normes du permis environnemental, elles ne sont pas forcées d’agir. Les entreprises ne voient pas l’intérêt d’optimiser leur système de traitement de l’eau. »
Ensemble vers un avenir durable
Le Move-it lab n’est pas seulement une petite révolution pour les entreprises, c’est aussi une passerelle vers la collaboration. « Nous invitons les entreprises, les centres de recherche et les centres de savoir à coopérer avec nous pour façonner l’avenir de l’épuration des eaux », explique Van der heyden. « Pour respecter les normes de rejet qui leur sont imposées, de nombreuses entreprises doivent épurer leurs eaux usées. Tant que la qualité de l’eau requise est atteinte, ces entreprises n’investissent pas, ou très peu, dans l’optimisation du traitement de l’eau, alors que cette optimisation permettrait d’économiser beaucoup d’énergie, et donc d’argent. »
Un avis neutre
La plupart des compagnies des eaux sont suivies par des entreprises privées au niveau du traitement de l’eau. « Mais celles-ci ne nous voient pas toujours d’un bon œil », note Van der heyden. « Car notre avis remet parfois en cause leur travail. Nos conseils sont pourtant indépendants et purement fondés sur la recherche. » Le groupe HWT participe également à l’initiative Blikopener du VLAIO. « Si une entreprise a une question sur l’eau, nous pouvons lui donner un premier conseil gratuit », précise Van der heyden. « Par exemple, s’il y a un problème avec une boue qui ne sédimente pas, nous voyons ce qu’il est possible de faire. Nous conseillons également les éleveurs sur la possibilité d’utiliser l’eau de leur puits pour abreuver les animaux. Nous voulons renforcer ce service et conseiller plus d’agriculteurs. Par exemple, nous avons déjà vu des puits avec de gros problèmes de salinisation. Nous essayons alors de proposer des solutions accessibles sans utiliser d’équipements coûteux, car cela doit rester abordable pour l’agriculteur. »
Care+
L’unité mobile va être utilisée dans le cadre du projet Interreg CARE+ impliquant la France, la Wallonie et les Flandres orientale et occidentale. Ce projet vise à améliorer la qualité de l’eau de la Lys de chaque côté de la frontière au moyen de mesures préventives et curatives. CARE+ va impliquer les agriculteurs dans la gestion durable de la qualité des eaux de surface de façon à sécuriser leur utilisation. Pour cela, le partenariat développera des outils pour améliorer les contacts avec les agriculteurs et lancer des actions efficaces pour toute la région (échange de connaissances, priorisation des secteurs, politiques, suivi des initiatives, …).
Coopération transfrontalière pour l’action en faveur des ressources en eau
Les zones agricoles de la région transfrontalière sont principalement vouées à l’agriculture intensive. « La concentration de polluants d’origine agricole (pesticides, nitrates, phosphore) dans les rivières de ces zones menace l’accès à l’eau pour les agriculteurs et la production d’eau potable pour les animaux, en particulier en période de sécheresse ou d’inondation », explique Van der heyden. « La situation s’aggrave à mesure que le changement climatique augmente la durée et la fréquence des périodes où l’accès à une eau de qualité est difficile, voire impossible, pour les agriculteurs et autres utilisateurs. Ce problème est complexe du fait de l’absence de stratégies locales reposant sur une connaissance précise des secteurs à traiter en priorité. »
Une partie de la solution
Pour résoudre ces problèmes, il faudra encore convaincre les agriculteurs – qui sont à la fois victimes du problème et détenteurs d’une partie de la solution – et mettre à leur disposition des fonds suffisants et des techniques efficaces et abordables. « Nombre de solutions existent déjà, depuis le niveau de la parcelle agricole jusqu’à celui de l’exploitation : modifications des pratiques agricoles, solutions naturelles (haies, bandes herbacées, etc.) et traitement des eaux usées », note Van der heyden. « Cependant, ils en sont encore au stade des expérimentations thématiques ponctuelles. Le défi est de les mobiliser de façon collective et stratégique au niveau des bassins versants, et de démontrer la valeur ajoutée de cette approche pour la région frontalière. Ce déploiement stratégique de techniques de lutte contre les pollutions diffuses et ponctuelles d’origine agricole à l’échelle de quatre bassins versants constitue l’objectif de CARE+. »
MOVE-IT LAB – Haute École de Gand
Christine Van der heyden :